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Quand en face tous leur ont craché leur dédain.

(Id.)

Mais horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine.

(Hérodiade.)

Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant.

(L’Après-Midi.)

À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte.

(Id.)

Cet immatériel deuil opprime de maints.

(Anniversaire.)

On donne de ces vers une idée fausse en les citant isolément. Leur rythme brisé est à sa place dans une suite d’alexandrins dont il rompt l’uniformité. D’abord ils m’avaient paru sans rythme, comptés sur les doigts. À présent je les apprécie mieux.

Le premier a été substitué par Mallarmé à cet autre qui figure dans la première version du Guignon

La plupart ont râlé dans des ravins nocturnes.

Et la variante est bien instructive. D’abord Mallarmé a supprimé une allitération qui ne s’accorde pas au sens du vers et qui le contredirait plutôt. Puis il a introduit cette dissonance rythmique de la forte près de l’hémistiche, qui rend le vers râpeux, pénible à passer, l’identifie en effet à un râle d’agonie. Le second, de même, a remplacé celui-ci :

Quand chacun a sur eux craché tous ses dédains.

Faut-il croire que, dans le vers définitif, la mise en valeur de tous par le plus fort accent rythmique fasse, à cette syllabe que projette le bout de la langue, signifier un crachat ? Cela serait rendu assez vraisemblable par d’autres variantes du même poème.

Dans le troisième vers l’accent de l’hémistiche paraît rejeté vers le commencement par ce sursaut même