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un étranglement significatif. Ce vers pénible rend l’image avec une expression plus saisissante que celle du vers qu’il remplace. Dans le second vers bonheur à la fois plus juste et plus sonore est substitué à plaisir. Le troisième vers, en une variante que l’on retrouvera plusieurs fois encore, écarte le verbe par cette chasse à l’auxiliaire qui marque une écriture poétique méticuleuse.

V. — Dans le premier vers, encore, le nom substitué au verbe : du même coup disparaissent du premier hémistiche une allitération désagréable de sifflantes et une accentuation défectueuse. L’image incohérente du deuxième vers, la facture un peu lâche et le son sans écho font place à un vers éclatant, d’un jet comme un glaive. Le troisième met, en place d’un sentiment exprimé, une image plastique dont le verbe se condense et s’arrête presque dans un sens substantif.

VI. — Ce beau tercet d’un mouvement si classique et si pur ne comportait qu’une correction, celle à leurs pleurs, cacophonique.

VII. — Le premier vers, plat, avec ses deux auxiliaires, est relevé et nourri. Le deuxième pareillement : l’auxiliaire y disparaît et l’image de mouvement le reprend dans le rythme des précédents tercets. D’une version à l’autre, les mots ont peu changé, l’accentuation est toute différente. Au premier hémistiche trois ïambes[1] ont succédé à deux anapestes, et cette substitution d’accents exprime mieux encore que la substitution de mots l’image de mouvement hasardeux et piteux.

VIII. — Le premier vers de la version antérieure était déjà beau. La correction lui a donné cependant plus de poids et plus de régularité rythmique. La rencontre des sifflantes a disparu : les deux labiales allité-

  1. J’emploie ces mots anciens pour abréger, dans la mesure où longue et forte, brève et faible, correspondent.