Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/319

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Oui, je continue, pour vous, et voici ce par quoi le manque de place m’a empêché de terminer l’étude de l’autre jour.

« Très sobre de garnitures, l’habillement des fillettes de onze ans, choisi dans les étoffes de bure, les cheviottes et le velours : avec jupes portées jusqu’à la cheville, toujours unies, tuniques fort simples, terminées par rien autre qu’une triple piqûre, et extraordinairement par une tresse de laine ou de soie. Je veux la petite jaquette assortie au costume ; elle se noue sur la poitrine à la faveur d’un joli nœud en faille à longs bouts, mais j’interdis tout à fait le dolman, oui ! jusqu’à 17 ou 18 ans. Le chapeau rond : pas de Lamballe, cette forme délicieuse appartient à l’amie ou à la sœur aînées.

« Quant aux jeunes gens, ils prennent enfin le costume de la première communion immémorial, sauf le col : très journalier, et qui aujourd’hui sera plus que grand, rabattu, fuyant en arrière ; avec, posé au-dessous, un nœud coquet à coques longues et tombantes. Boutonnée au cou, la veste ne laisse pas voir la chemise, si l’on ne veut commettre une faute contre le goût d’hier et d’avant-hier. »

« J’ajoute même, à l’intention de votre chère maman, qui vous a, m’apprenez-vous avec une soumission de bon aloi, autorisée à m’écrire vous-même :

« À dater de ce moment, quoique l’intervention en ait pu s’accuser par de la fourrure au bord des vêtements, des bas rayés et toute la fantaisie mise au service de fées ou de lutins qui ne sont pas encore des demoiselles ou des messieurs, nous livrons ce joli monde à la Mode. Une seule remarque, non un conseil, mais une prière : mères, tout en menant votre fille chez la faiseuse, votre fils chez le tailleur, essayez que l’un et l’autre gardent la grâce transitoire de leur âge, et que l’adolescence soit longtemps l’enfance. »

Tout de suite presque, Mallarmé refusa de donner à ces sources immédiates et fraîches une valeur d’art. La phrase bien en chair de ses Poèmes en prose, la phrase