L’art lyrique « comme il fut », mais non comme, plus heureux rival de la musique, il pourrait être. Ce besoin matériel de signification, ne saurait-on l’enlever au mot ? se demande Mallarmé avec cette persévérance de doux rêveur que mettait Metchnikoff à imaginer l’homme débarrassé de son intestin. L’art lyrique ne saurait-il cesser d’être élocutoire, sur les dos et les flancs de la plastique ne laissant plus vibrer que la pure et musicale ligne ?
Moitié de sa poésie, dont pourtant demeurent solides les racines parnassiennes, moitié de son rêve qui flotte sur les confins où son art ne va pas, il évoqua près du vers une musique ironiquement présente, à la fois son achèvement et sa négation, prévoyant que se dissoudra « en quelque chose d’identique au clavier primitif de la parole, la versification »[1].
Dans le vers libre lui paraît poindre cet avenir audacieux de la musique. Mais bien ailleurs encore que dans la versification il croit le reconnaître, « ce chant qui aujourd’hui influence tout travail, de l’Impressionnisme à la fresque, et le soulèvement de vie dans le grain du marbre »[2]. Le concert lui paraît le dernier et plénier culte humain. Là, à vrai dire, poète, il vient en étranger ; mais étranger de distinction qui passe en honneur les citoyens, les mélomanes, lui l’ambassadeur des Lettres.
Ambassadeur naïf et curieux, comme le Persan à Paris. « J’y suis allé par badauderie, aimant à flairer l’occasion d’avance »[3]. Ce qui l’étonne au concert, ce n’est pas de s’y voir, c’est d’y voir les autres. Comment se fait- il que cette multitude « franchissant les intervalles littéraires… ait besoin de se trouver face à face avec l’Indicible ou le Pur, la Poésie sans les mots ? »[4]. Il entend par musique ce qu’il croit que serait pour lui la mu-