DIRECTOIRE (1798) 11
flots les exposait à chaque instant à se briser les
unes contre les autres. Enfin, après de grands
dangers, on toucha le rivage. A l’instant une voile
parut à l’horizon; on crut que c’était une voile
anglaise « Fortune, s’écria Bonaparte, tu m’abandonnes!
quoi! pas seulement cinq jours! » La fortune
ne l’abandonnait pas, car c’était une frégate
française qui rejoignait. On eut beaucoup de peine
à débarquer quatre ou cinq mille hommes, dans
la soirée et dans la nuit. Bonaparte résolut de marcher
sur-le-champ vers Alexandrie, afin de surprendre
la place, et de ne pas donner aux Turcs le
temps de faire des préparatifs de défense. On se
mit tout de suite en marche. Il n’y avait pas un
cheval de débarqué; l’état-major, Bonaparte et Caffarelli
lui-même, malgré sa jambe de-bois, firent
quatre à cinq lieues à pied dans les sables, et arrivèrent
à la pointe du jour en vue d’Alexandrie.
Cette antique cité, fille d’Alexandre, n’avait plus
ses magnifiques édifices, ses innombrables demeures,
sa grande population elle était ruinée
aux trois quarts. Les Turcs, les Égyptiens opulents,
les négociants européens habitaient dans la ville moderne,
qui était la seule partie conservée. Quelques
Arabes vivaient dans les décombres de la cité antique
une vieille muraille flanquée de quelques tours
enfermait la nouvelle et l’ancienne ville et tout