Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/20

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mais contre la vérité morale, parce qu’il est rare qu’un fait négligé, quelque petit qu’il soit, ne manque à la contexture générale, comme cause ou comme effet. Et pourtant on est tenu de ménager cet être fini, qui vous écoute et qui aspire toujours à l’infini, cet être curieux qui veut tout savoir, et qui n’a pas la patience de tout apprendre. Que je sache tout, et qu’il ne m’en coûte aucun effort d’attention, voilà le lecteur, voilà l’homme ! nous voilà tous !

Il faut donc un certain art de mise en scène qui exige de l’expérience, du calcul, la science et l’habitude des proportions. Mais ce n’est pas tout encore : il faut savoir peindre, il faut savoir décrire ; il faut savoir saisir dans un caractère le trait saillant qui constitue sa physionomie, dans une scène la circonstance principale qui fait image ; il faut savoir distribuer la couleur avec mesure, avec une juste gradation, ne pas la prodiguer, au point qu’il n’en reste plus pour les parties qui ont besoin d’être fortement colorées. Enfin, comme l’instrument avec lequel tout cela se fait c’est la langue, il faut savoir écrire avec la dignité élégante et grave qui convient aux grandes choses comme aux petites, qui réussit à dire les unes avec hauteur, les autres avec aisance, précision et clarté. Tout cela est de l’art, je l’avoue, et souvent même du plus raffiné. Il est donc nécessaire d’unir à la parfaite intelligence