Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/21

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des choses, une certaine habitude de les manier, de les disposer, de les rendre dans leurs moindres détails avec une ordonnance savante et facile, noble et simple, en pénétrant partout, en se traînant tantôt dans le sang des champs de bataille, tantôt dans les cabinets de la diplomatie, où quelquefois on est forcé d’aller jusqu’au boudoir pour trouver le secret des États, tantôt enfin dans les rues fangeuses où s’agite une démagogie furieuse et folle.

Mais en avouant que l’art doit s’ajouter à l’intelligence, je vais dire pourquoi l’intelligence, telle que je l’ai définie, arrivera plus qu’aucune autre faculté à cet art si compliqué. De toutes les productions de l’esprit, la plus pure, la plus chaste, la plus sévère, la plus haute et la plus humble à la fois, c’est l’histoire. Cette Muse fière, clairvoyante et modeste, a besoin surtout d’être vêtue sans apprêt.

Il lui faut de l’art sans doute, et s’il y en a trop, si on le découvre, toute dignité, toute vérité disparaissent, car cette simple et noble créature a voulu vous tromper, et dès lors toute confiance en elle est perdue. Qu’on exagère la terreur sur la scène tragique, le rire sur la scène comique ; que dans l’épopée, l’ode, l’idylle, on grandisse ou embellisse les personnages, qu’on fasse les héros toujours intrépides, les bergères toujours jolies, qu’en un mot on