Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/22

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trompe un peu dans ces arts, qui tous s’appellent l’art de la fiction, personne ne peut se prétendre trompé, car tout le monde est averti ; et encore je conseillerais aux auteurs de fictions de rester vrais, quoique dispensés d’être exacts. Mais l’histoire, mentir dans le fond, dans la forme, dans la couleur, c’est chose intolérable ! L’histoire ne dit pas : Je suis la fiction ; elle dit : Je suis la vérité. Imaginez un père sage, grave, aimé et respecté de ses enfants, qui, les voulant instruire, les rassemble et leur dit : Je vais vous conter ce que mon aïeul, ce que mon père ont fait, ce que j’ai fait moi-même pour conduire où elles en sont la fortune et la dignité de notre famille. Je vais vous conter leurs bonnes actions, leurs fautes, leurs erreurs, tout enfin, pour vous éclairer, vous instruire et vous mettre dans la voie du bien-être et de l’honneur. Tous les enfants sont réunis, ils écoutent avec un silence religieux. Comprenez-vous ce père enjolivant ses récits, les altérant sciemment, et donnant à ces enfants qui lui sont si chers une fausse idée des affaires, des peines, des plaisirs de la vie ?

L’histoire, c’est ce père instruisant ses enfants. Après une telle définition, la comprenez-vous prétentieuse, exagérée, fardée ou déclamatoire ? Je supporte tout, je l’avoue, de tous les arts ; mais la