Page:Thiers - Histoire du Consulat et de l’Empire, tome 12.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moindre prétention de la part de l’histoire me révolte. Dans la composition, dans le drame, dans les portraits, dans le style, l’histoire doit être vraie, simple et sobre. Or quel est, entre tous les genres d’esprit, celui qui lui conservera le plus ces qualités essentielles ? Évidemment l’esprit profondément intelligent, qui voit les choses telles qu’elles sont, les voit juste, et les veut rendre comme il les a vues.

L’intelligence complète des choses en fait sentir la beauté naturelle, et les fait aimer au point de n’y vouloir rien ajouter, rien retrancher, et de chercher exclusivement la perfection de l’art dans leur exacte reproduction. Qu’on me permette une comparaison pour me faire entendre.

Raphaël a créé des tableaux d’invention, des Saintes Familles notamment, et des portraits. Les juges les plus délicats se demandent toujours lesquels valent mieux de ces Saintes Familles ou de ces portraits, et ils sont embarrassés. Je ne dirai pas qu’avec le temps ils arrivent à préférer les portraits, car bien hardi serait celui qui oserait prononcer entre ces œuvres divines. Mais avec le temps ils arrivent à n’admettre aucune infériorité entre elles, et les Vierges les plus admirées de Raphaël ne sont pas placées au-dessus de ses simples portraits ; la poésie des unes n’efface pas la noble réalité des autres. Mais comment Raphaël est-il parvenu