Page:Thomassy - Essai sur les ecrits politiques de Christine de Pisan.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

œuvres. Or, faire la notice de celles-ci, c’est une manière d’écrire son histoire ; car fille d’étude, comme elle s’appelle ingénûment, Christine a surtout vécu avec ses livres, et leur a confié tout ce que nous aurions pu apprendre de ses contemporains.

Et d’abord il importe de savoir ce que les contemporains et les écrivains postérieurs ont pensé de ses ouvrages ; l’ancienne renommée de ses écrits nous préparera à les apprécier dans leur valeur réelle et absolue. D’un autre côté, les témoignages dont ils ont été successivement l’objet, forment une chaîne de traditions littéraires qu’on ne saurait suivre avec trop de soin ; car, en se prolongeant jusqu’au xvie siècle, elle rattache la littérature de François Ier à celle dont Christine fut l’expression. Ce fait seul nous semble d’une haute importance pour l’époque en question, où l’érudition moderne rompit brusquement avec tous les vieux souvenirs de la France, et où le développement historique des lettres nationales laisse entrevoir tant de solutions de continuité. Il est vrai qu’alors ces lacunes, où le moyen âge se précipitait dans l’oubli, étaient déguisées sous le nom fastueux de Renaissance classique, perdues de vue en présence des trésors de l’antiquité. Mais dans ce vaste naufrage de notre littérature vulgaire, si nous prouvions que la mémoire de Christine a été l’une des dernières à disparaître, et que son influence littéraire s’est long-temps exercée sans inter-