laboriosus étais-je aux yeux des voyageurs en route vers l’ouest par Lincoln et Wayland pour se rendre Dieu sait où ; eux assis à leur aise en des cabriolets, les coudes sur les genoux, et les rênes pendant librement en festons ; moi, le casanier, l’indigène laborieux du sol. Mais mon domaine ne tardait pas à être pour eux hors de vue et de pensée. C’était le seul champ découvert et cultivé sur une grande distance d’un ou d’autre côté de la route, de sorte qu’ils en profitaient ; et parfois il arrivait que du bavardage et des commentaires de ces voyageurs l’homme du champ entendît plus qu’il n’était destiné à son oreille : « Des haricots si tard ! des pois si tard ! » – car je continuais à semer quand les autres avaient commencé à sarcler, – l’agriculteur sacerdotal[1] ne l’avait pas prévu. « Du maïs, mon vieux, pour les vaches ; du maïs pour les vaches. » Est-ce qu’il vit là ? demande la casquette noire du pardessus gris ; et le fermier aux traits durs de retenir son bidet reconnaissant pour s’enquérir de ce que vous faites lorsqu’il ne voit pas d’engrais dans le sillon, puis de recommander un peu de sciure, un peu de n’importe quelle saleté, ou peut-être bien des cendres ou du plâtre. Mais il y avait là deux acres et demi de sillons, et rien qu’un sarcloir pour charrette avec deux mains pour s’y atteler, – y régnant de l’aversion pour autres charrettes et chevaux, – et la sciure était fort loin. Les compagnons de voyage, en passant dans le bruit des roues, le comparaient à haute voix aux champs dépassés, de sorte que j’arrivai à savoir quelle figure je faisais dans le monde de l’agriculture. C’était un champ sans désignation dans le rapport de Mr. Colman. Et, soit dit ici, qui donc estime la valeur de la récolte que livre la Nature dans les champs encore plus sauvages inexploités par l’homme ? La récolte du foin anglais est soigneusement pesée, l’humidité calculée, les silicates et la potasse ; mais en les moindres cavités et mares des bois et pâturages et marécages croît une récolte riche et variée que l’homme oublie seulement de moissonner. Mon champ était pour ainsi dire le chaînon reliant les champs sauvages aux champs cultivés ; de même que certains États sont civilisés, d’autres à demi civilisés, d’autres sauvages ou barbares, ainsi mon champ se trouvait être, quoique non pas dans un mauvais sens, un champ à demi cultivé. C’étaient des haricots en train de retourner gaiement à leur état sauvage et primitif, ceux que je cultivais, et mon sarcloir leur jouait le Ranz des Vaches.
À portée de là, sur la plus haute ramille d’un hêtre chante la grive-brune – ou mauvais rouge, comme d’aucuns se plaisent à la nommer – toute la matinée, contente de votre société, qui découvrirait le champ d’un autre
- ↑ Sans doute fait-il allusion à quelque pasteur passant par là.