Page:Thorel de Campigneulles - Cleon, rhéteur cyrénéen, 1750.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7

m’embaraſſer de faire une différence exacte des différentes ſenſations que donnent les plaiſirs, je me contentai d’en ſentir toutes les douceurs ; je m’en repreſentai de plus vives, & mes idées eurent là-deſſus une entière liberté ; perſuadée qu’elles ne pouvoient aller au-delà de celles que j’imaginois.

L’ouverture d’eſprit que l’on ſe connoît ſupérieure à celle d’autrui, une découverte précieuſe dont on n’a l’obligation à perſonne, les talens qu’on acquiert ſans ſecours, & que l’on ne doit qu’à ſoi-même, inſpirent une confiance qui eſt bien voiſine de l’orgueil. Tant que mon Royaume fut dans une eſpéce d’Anarchie, que mes ſujets livrés à eux-mêmes exerçoient à leur fantaiſie les emplois qui leur avoient été confiés, que vivans dans l’indépendance, & moi, pour ainſi dire, en tutelle, ils diſpoſérent de tout à leur gré ; j’étois humble & modeſte : mais dès que mes ſoupirs ne m’étonnérent plus, & que j’en connus la ſource, que je pus me faire rendre raiſon de cette impatience ſecrette & de cette humeur à laquelle on donne le nom