certitude que telle était la façon de penser des villes, et que c’étaient les faits eux-mêmes qui les avaient instruites ; qu’en un mot, il n’approuvait rien de ce que proposait Alcibiade ni de ce qui se passait.
XLIX. Ceux qui étaient du complot n’en persistèrent pas moins dans leurs premiers desseins ; ils reçurent les propositions qui leur étaient faites, et se disposèrent a envoyer à Athènes Pisander et quelques autres députés, pour y ménager le retour d’Alcibiade et la destruction de la démocratie, et pour rendre Tissapherne ami des Athéniens.
L. Phrynicus voyant qu’on allait parler du rappel d’Alcibiade, et que les Athéniens n’en rejetaient pas la proposition, craignit, après tout ce qu’il avait dit pour s’y opposer, que si en effet Alcibiade revenait, il ne le punît des obstacles qu’il aurait apportés à son retour. Pour se soustraire à ce danger, il envoya secrètement un exprès à Astyochus qui commandait la flotte de Lacédémone, et qui se trouvait encore aux environs de Mitylène ; il lui apprenait qu’Alcibiade travaillait à ruiner les affaires de Sparte, et à rendre Tissapherne ami d’Athènes ; il ne lui parlait pas moins ouvertement du reste des affaires, ajoutant qu’on devait lui pardonner, s’il cherchait à nuire à son ennemi, même au désavantage de la république.
Mais Astyochus, n’ayant plus, comme auparavant, rien à démêler avec Alcibiade, ne conservait pas contre lui de vindication. il va le trouver à Magnésie, où il était près de Tissapherne, leur raconte à tous deux ce qu’on lui a mandé de Samos, et se rend le dénonciateur de ce qu’on lui a communiqué. Par cette démarche, il cherchait, dit-on, pour son intérêt particulier, à s’attacher Tissapherne. Il mit encore en usage d’autres moyens pour y parvenir, tels que celui de n’agir que mollement pour faire payer aux troupes la solde entière. Aussitôt Alcibiade écrivit à Samos aux gens en place contre Phrynicus, leur apprenant ce que venait de faire ce général, et les priant de lui donner la mort. Phrynicus fut troublé, il sentit tout le danger où le mettait cette dénonciation, et écrivit une seconde fois à Astyochus : il se plaignait de ce que le secret avait été mal gardé sur ses premières confidences, ajoutant qu’il était prêt à livrer aux Pèloponnésiens, pour la mettre en pièces, toute l’armée qui était à Samos. Il entrait dans les détails, lui indiquant les moyens d’en venir à l’exécution contre une ville qui n’était pas murée. Il déclarait enfin qu’il ne croyait mériter aucun reproche, lorsqu’il se trouvait en danger pour l’amour des Lacédémoniens, de faire ce qu’il faisait, et même toute autre chose, plutôt que de périr la victime de ses plus cruels ennemis. Astyochus fit encore part de ce message à Alcibiade.
LI. Phrynicus, instruit de cette infidélité, et voyant bien qu’on recevrait incessamment, sur cette affaire, une dépêche d’Alcibiade, se hâta de la prévenir. Lui-même apprit aux soldats que les ennemis allaient venir attaquer le camp, profitant de ce que la place n’était pas murée, et de ce que la flotte ne pouvait se loger tout entière dans le port ; qu’il était bien informé de cette nouvelle, et qu’il fallait, dans la plus grande diligence, fortifier Samos, et se bien tenir sur ses gardes. Ce qu’il recommandait, il avait, en qualité de général, le pouvoir de l’exécuter. Les soldats se mirent à l’ouvrage, et par ce moyen, la place qui devait être fortifiée, le fut plus tôt qu’elle n’aurait pu l’être.
Bientôt après arrivèrent les dépêches d’Alcibiade : elles portaient que Phrynicus trahissait l’armée et qu’on allait être attaqué ; mais on jugea qu’il ne fallait pas le croire, et qu’informé d’avance de ce qui se passait chez les ennemis. il en jetait la complicité sur Phrynicus qu’il n’aimait pas. Cette dénonciation ne fit donc aucun tort à Phrynicus, et devint même un témoignage en sa faveur.
LII. Alcibiade parvint ensuite à manier si bien Tissapherne, qu’il sut l’engager à se rendre l’ami des Athéniens. Ce satrape craignait les peuples du Péloponnèse, dont la flotte était plus nombreuse que celle d’Athènes. D’ailleurs, il ne demandait qu’à se laisser persuader par quelque moyen que ce pût être, surtout depuis qu’il avait connaissance des différends qui s’étaient élevés à Cnide, entre les Péloponnésiens, au sujet du traité fait avec Théramène. Ils avaient pris naissance dès le temps qu’ils étaient à Rhodes. Ce fut là que Lichas, en disant qu’on ne pouvait admettre que le roi dût rester maître des villes dont lui-même ou ses pères avaient eu la domination, confirma le mot que j’ai rapporté d’Alcibiade, que les Lacédémoniens voulaient rendre