Page:Tiercelin - Bretons de lettres, 1905.djvu/80

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ainsi dire que ses œuvres soient gravées sur le granit et sur le marbre ; cette esquisse d’homme dont les péripéties de l’existence sont le matin et le soir et qui, sentant son infériorité en tout genre, se tient à l’écart comme un suspect de la fièvre jaune ; et ce malencontreux chanteur faisant dans une longue complainte le récit de ses nombreuses infortunes ; Ce pauvre diable de gentillâtre fier encore de sa misère native, se vantant à qui voulait l’entendre de l’honneur qu’il a eu autrefois de se griser à la table du Président des États. Et cette vénérable antique comtesse de N*** qui, ayant depuis plus de trente ans achevé son bail, prétend que le millésime qu’elle porte sur la figure est faux d’autant et tâche de plâtrer cette erreur par le fard et la céruse ; enfin, ces marchandes d’oranges, de limonade, de petits pains au lait ou de babioles, soutenant à qui mieux mieux les duels de la concurrence dans leurs appels aux consommateurs ; et ce désœuvré à la journée travaillant, heureusement en vain, à ce qu’on puisse dire de ses compatriotes : les joueurs de Rennes[1], comme on disait jadis les buveurs d’Auxerre, les fainéants de

  1. « Mon fils est revenu de Rennes, écrivait Mme de Sévigné ; il y a dépensé 400 francs en trois jours. »