Page:Tinayre (Doré) - Les Chaussons bleus, paru dans Le Monde Illustré, 27-08-1892.djvu/4

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II

— Georges !

— Marie ?

— Que préfères-tu, du bleu ou du rose ?… As-tu quelques idées sur les chaussons ?… Non !… C’est étonnant, l’ignorance des hommes… Et pourtant c’est chose grave et difficile que de tricoter un parfait chausson. Diminuer, augmenter, arrondir un talon, marquer la cheville, faire courir et sauter les fines mailles d’aiguille en aiguille, quel travail !… Si le bleu te déplaît, je puis mettre des rubans roses… Voyons, Georges, tu ne m’écoutes pas.

— Mais si, ma chère…

— Mais non, mais non ; tu n’écoutes rien, tu rêves…

— Je te regarde… c’est mieux… Marie !

— Georges ?

Il sera beau s’il te ressemble.

— Et bon s’il tient de toi.

— Cet enfant naîtra sous d’heureux auspices. Il ne peut manquer d’être intelligent… Petits-fils d’un savant célèbre et d’un artiste admiré, l’atavisme aidant, Bébé deviendra quelqu’un… Il fera son chemin, le gaillard. Hein, ma chère, que diras-tu quand ce bel officier…

— Officier ?… mon fils, officier ! Jamais de la vie ! Pour qu’on me le prenne, pour qu’on me le tue !…

— Mais l’uniforme…

— L’uniforme !… c’est vrai… je regrette l’uniforme. Mais, Georges, il lui reste l’École polytechnique : j’ai toujours eu un faible pour l’épée et le bicorne des polytechniciens. Ah ! les bons danseurs, les galants cavaliers de mes premiers bals… En ce temps-là, mon idéal se nommait Arthur et sortait le premier de