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avant l’amour

la main sur ses yeux, il barricadait son rêve contre l’attention des indifférents. Et prise de mélancolie, étrangère à tout ce qui m’entourait, je m’épouvantai de sentir frémir autour de moi ce pauvre et tremblant amour qui s’efforçait peut-être à l’espérance : « J’ai voulu être puissante sur le cœur d’un homme et voici que je pourrai tout sur ce cœur, sauf l’apaiser. Je le sens, jamais je n’aimerai Maxime. Pourquoi ? Il n’est ni laid, ni vulgaire, ni médiocre. Je ne puis l’aimer… Il va souffrir… » À la mélancolie succéda la pitié, et la pitié, dans mon âme, se nuançait si vite de tendresse. « Pauvre Maxime, pauvre ami. » J’allai m’asseoir près de lui sur le divan pendant que les joueurs se penchaient sous l’abat-jour orange. Il laissa tomber sa main. Nous ne parlions pas. Nos yeux s’interrogeaient dans l’ombre, éperdus d’une angoisse différente et douloureuse également. « M’aimeras-tu ? — suppliaient les prunelles d’or. — Hélas ! » répondaient les miennes. Et plus triste, dans ce silence qui s’éternisait, j’évoquais, dressés