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Page:Tinayre - Gérard et Delphine - La Porte rouge.pdf/289

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rances de ce mois de mai, cette joie fraternelle, cette concorde ? Et que sera l’avenir ? »

Il songeait à cet avenir où l’aventure de sa vie particulière compterait pour si peu dans la formidable aventure de la France. Toute révolution est un règlement de comptes. Les fautes des rois, l’orgueil des privilégiés, l’ivresse intellectuelle des chimériques, l’âpre avidité des ambitieux, tout se paie. Un prince innocent payait le prix de sa faiblesse, et de n’avoir pas su régner en roi. Et le peuple qu’avaient déchaîné les beaux esprits philosophiques et les généreux utopistes, le peuple, colosse enfantin, saoulé du gros vin démagogique, se retournerait un jour contre ses nouveaux maîtres. D’immenses événements se levaient, comme les vagues du déluge. Portés à leur cime, les hommes devraient grandir pour dépasser le flot. Il ne serait plus permis à personne d’accepter un médiocre destin.

« Que suis-je, se disait Gérard, qu’est mon épreuve, auprès de la tragique infortune dont témoigne ce palais abandonné ? Qu’ai-je à faire, sinon de servir mon roi malheureux ? Les Sevestre accourent quand les courtisans repus s’en vont. Fortis et Fidelis. Qu’elle soit ma loi, notre vieille devise ! »

Ainsi, au delà de ses intérêts et de ses affections, il trouvait sa raison de vivre, comme si le choc qui l’avait meurtri libérait une part de lui-même : la plus hante. Les racines de son bonheur arraché saigneraient longtemps. Son douloureux