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Hellé

J’ai voulu former une créature exceptionnelle qui ne fût pas un monstre moral. Je crois avoir réussi. Je ne lui ai jamais rien caché, et jamais elle n’a menti. Elle a le cerveau d’un homme et le cœur d’une vierge. Vous l’aimerez. Et l’œuvre de toute ma vie sera achevée par vous.

— Ne craignez-vous pas que je la défigure ? fit ma vieille amie en riant. Je connais vos opinions et vos idées, et il en est peu que je comprenne ou que je partage. Je suis une femme qui a eu toutes les superstitions, toutes les faiblesses de son sexe, une créature nerveuse et tendre, sensible aux idées moins qu’aux sentiments. Je me plais dans les églises, je lis des romans ; la poésie me fait pleurer, et, toute vieille que je suis, je m’émeus au spectacle des amours sincères. Vous voyez, cher monsieur, que je vous découvre, avec loyauté, la médiocrité de ma condition intellectuelle.


EMBRASSEZ-MOI, MADEMOISELLE HELLÉ…

— Vous oubliez, parmi vos défauts, la malice et la douce ironie, répliqua l’oncle Sylvain. Et, croyez-vous donc, madame, que je prétende réduire cette belle jeune fille à l’état de mademoiselle Dupont, l’insupportable licenciée ? Il y a cent espèces de femmes ; Hellé représente l’espèce la plus rare, la plus ex-