Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/118

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— Moi aussi, je vis, dit le sculpteur.

— Je suis une épave, une loque… Je ne travaille plus… Je n’ose plus penser… Je vis

— Il faut travailler ; il faut penser : c’est l’excuse qu’on a de vivre.

— Travailler ? Pour quoi ?… Pour qui ?… L’argent ?… Je n’ai plus besoin de ce qu’on achète avec l’argent… La gloire ?… Allons donc !… Est-ce que ça console, la gloire ?… Tu le sais, toi, le plaisir du triomphe, c’est l’hommage qu’on en fait à ce qu’on aime… On dit : « Tu vois, ma gloire, c’est un coussin pour tes pieds. Marche dessus. » Et l’on est récompensé de tout l’effort que le succès, tout seul, et l’argent, ne payeraient pas !… Oui, c’était ainsi, entre elle et moi… Nous sentions de même, en tout, et toujours, et chacun de nous voulait être grand, pour le seul amour de l’autre… Ah ! Pierrevaux, ce qu’était notre vie d’amour, personne ne l’imaginera, pas même toi… Neuf ans de tendresse passionnée, cœur à cœur… une fidélité scrupuleuse de part et d’autre, une égale bonne volonté de préserver, d’embellir un sentiment si beau… Toute la volupté et toute la joie de l’âme !… le travail même,