Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/132

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tent, les eaux et la brise chantent ! Dormez ! serrez votre bonheur entre vos poitrines rapprochées, comme un bel enfant, né de vous, si fragile encore, et qui doit vivre… Dormez ! vos rêves chanteront !

Mais par une altération insensible, le thème de la Berceuse dévie lentement et se transforme. Madame Clarence, étonnée, prête l’oreille. Elle ne reconnaît plus le paisible Andante final de la Symphonie dans cette étrange musique qui a les saccades, les soupirs brisés, les sanglots nerveux de l’angoisse. Les enfants mêmes cessent de chuchoter. Des accords sinistres résonnent à la basse… Le malheur est en chemin… L’âme inquiète se rebelle sous le choc des pressentiments qui l’assaillent… Et quel cri soudain ! Quelle lamentation !… Sous les doigts de Clarence, le piano gémit, et râle… Et c’est, tout à coup, la tombée du majeur au mineur, comme la chute de la nuit sur l’âme solitaire et le vaste désert du monde. La lampe de l’alcôve s’éteint ; le vent noir courbe les cyprès et la Berceuse d’amour est une marche funèbre.

Debout, dans l’embrasure de la porte, Pauline et ses enfants, vaincus par la terrible