Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/162

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retrouvera sa femme et ses fils, installés dans une maisonnette au bord de la Vienne ; il pêchera les truites ; il relira des livres ; il goûtera l’heureuse médiocrité.

Souriant à cet espoir, il rouvre le volume jaune, qu’il vient d’acheter dans une librairie de l’Odéon : le Chariot d’Or… M. Chalouette, professeur de rhétorique, aime les poètes, non par métier, mais par instinct, comme s’il ne vivait pas de leurs œuvres.

Il aime les poètes modernes, qu’il n’est pas obligé d’admirer professionnellement. Il les aime de toute son admiration, de toute son amitié, sans rancune, comme des parents riches, des cousins qui ont réussi.

Quelquefois, le son pur d’un vers, la ciselure précise d’une prose éveillent dans son âme un émoi rétrospectif : — Et in Arcadia ego !… Naguère, boursier d’agrégation à Paris, seul, libre, et pauvre, il rêva d’être Musset, ou Flaubert, ou Sainte-Beuve, — et que le nom un peu ridicule de Chalouette prît des ailes et voltigeât sur les lèvres des hommes. Ses amis de ce temps-là s’accordaient tous du génie et lui accordaient tous du talent. Il était un de ces