Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/20

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tudes de sa première éducation. C’est la vraie bourgeoise française, dominée par la crainte de l’avenir et les ambitions maternelles, bonne mais prudente, point avare mais respectueuse de l’argent, et qui a peur, surtout, d’être ou de paraître dupe. Vingt fois, s’il le faut, elle recommencera l’addition fastidieuse ; vingt fois, elle poursuivra l’erreur commise à ses dépens. Les fournisseurs et les domestiques, confondus par sa clairvoyance, n’oseront plus la tromper.

Un pli coupe le front bombé, sous l’auréole basse des cheveux châtains, et le visage régulier, frais encore et placide, change d’expression. La ténacité s’y révèle, l’indomptable ténacité des êtres silencieux qui ne se récrient jamais contre l’injustice, mais qui jamais ne l’acceptent et ne renoncent jamais à avoir raison.

Elle a trouvé la faute de calcul qui compromettait l’équilibre de la « balance » hebdomadaire. Les traits détendus, contente, elle sourit. Ses yeux approbateurs jouissent enfin de la lumière matinale, des fleurs apportées par le jardinier, et du salon, — du « beau salon » meublé à neuf, qui est son cadre naturel, qui raconte son âme et sa vie.