Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/203

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la table en bois mal équarri. Les branches incurvées, couvertes d’épaisse vigne vierge, formaient la tonnelle, qui était ronde, comme un nid renversé. La petite flamme d’une bougie éclairait la voûte verte. Des insectes éblouis voletaient, — et M. Chalouette revoyait la lanterne tricolore, pendue à ces mêmes branches, et le reflet bariolé sur le corsage de Cléri…

Quel triste diner !… Les trains passaient avec un sifflement lugubre, comme pour dire : « Allez-vous-en !… » M. Chalouette, les nerfs exacerbés, avait une sorte de peur physique de cette nuit qui venait.

Car ce n’était plus la nuit parisienne, si fiévreuse de vie et qui n’est jamais tout à fait muette, tout à fait noire. C’était la nuit profonde comme la mort, qui éteint les lueurs, les regards, les cerveaux, et couche des millions d’êtres, à la même heure, dans une attitude de vaincus.

Il la sentait venir, cette nuit ; il sentait le linceul des ténèbres sur ses épaules, et l’horreur de la solitude le rejeta vers la femme. Il l’aima d’être vivante, et proche, et docile à son baiser…