Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/205

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Pourtant Chalouette et Cléri avaient vu en beau toutes ces choses ; ils avaient poétisé cette misère et cette laideur ; ils en avaient tiré des éléments de joie. Leur jeune passion s’était accrue dans cette délicate épreuve d’une intimité inconfortable, et ils avaient tout sauvé par leur gaieté !

Pourquoi donc l’idée de cette intimité, avec Mirame, — un modèle ! — gênait-elle horriblement M. Chalouette ? La médiocrité du lieu lui faisait honte et le désir cédait au respect humain.

« Ah ! si je l’aimais, tout ça me serait bien égal ! Je ne verrais qu’elle, rien qu’elle ! »

Assis sur sa chaise de paille, il goûta longtemps sa tristesse. Il s’enivra de ce vin amer.

Des images surgirent…

Et l’obsession fut si impérieuse qu’il sentit le frisson sur sa peau, l’afflux du sang à son front, un choc au creux de la poitrine. Il balbutia :

— Cléri !… Cléri !… mon amour !

Il comprenait, en cet instant, combien il avait aimé cette femme, et qu’il l’avait aimée seule, et que dans son cœur, rempli par des affections sages et sûres, une place resterait vide à jamais.