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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/206

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Cléri ! Elle avait été le miracle de sa vie médiocre ! Elle l’avait tiré des banalités coutumières, haussé jusqu’aux mondes merveilleux de la poésie et de la passion. Elle lui avait donné l’émoi unique.

Elle l’avait aimé de tout son corps voluptueux, de tout son cœur tendre et dévoué, de tout son charmant esprit fantaisiste. Et lui, lâche et stupide, il l’avait laissée partir…

Comme elle sanglotait, la veille du départ !… Quelle prière muette dans ses yeux ! « Garde-moi, puisque tu m’aimes, puisque je t’aime !… » Mais il avait craint le scandale, la pauvreté à deux… Il avait dit : « Nous nous séparons seulement : nous ne nous quittons pas. »

Et sans rupture, sans adieu, il l’avait perdue… L’absence prolongée, les lettres plus rares, le silence, l’oubli… Et voilà qu’il avait trente ans, qu’il se résignait à devenir sérieux. Il acceptait un poste en province, et le gentil mariage préparé par la famille. Dix ans coulaient. Il lisait les livres des autres ; il péchait la truite dans la Vienne ; il blâmait les crimes passionnels ; il était heureux…

Et Cléri ?… Morte, peut-être… Ou bien con-