Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, brusquement, comme un soldat fonce sur l’ennemi, le jeune homme avait parlé :

— Mon parrain, je suis très malheureux. J’ai un poids sur le cœur, une idée fixe dans la cervelle. Je ne dors plus. Je ne pourrai plus travailler… Il faut que ce supplice prenne fin… car il dure depuis des années et des années… Oh ! j’ai bien caché mon angoisse, allez ! Personne n’a rien su… Mais je suis à bout…

— Que veux-tu dire ?

— Je veux… je veux savoir qui je suis, d’où je viens, et ce qu’étaient mes parents… Je le veux, vous entendez, et je suis capable de tout faire, pour le savoir… d’espionner… de fracturer un secrétaire… de rompre un cachet… de commettre une action déshonorante dont j’aurai honte, après, toute ma vie… J’en suis là…

Le beau visage de M. Cheverny s’était durci — de souffrance et de colère, sans doute :

— Tu es trop jeune…

— Je ne suis pas trop jeune. J’aurai dix-huit ans dans quelques jours. Regardez-moi donc… Vous ne sentez pas que j’ai une volonté d’homme ? Je peux tout entendre, allez… Quoi