Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tu avais tort de t’inquiéter, Pauline. J’étais bien.

— Pourtant, tu as mauvaise mine…

Elle regarde Georges qui se dérobe et hausse les épaules.

— Je me porte à merveille. Je suis seulement un peu fatigué.

La femme devine la nervosité anormale que révèle l’imperceptible altération de la voix. Elle achève, en quelques traits de plume, la lettre commencée, et la glisse dans l’enveloppe, puis elle se retourne et observe son mari qui s’est assis dans un fauteuil, et songe, les yeux vagues, la pensée lointaine…

À quarante-cinq ans, le célèbre musicien, professeur au Conservatoire et membre de l’Institut, demeure, par la sveltesse de sa haute taille et l’éclat de son regard bleu, un homme jeune, sinon un jeune homme. Ses cheveux, précocement gris, abondants et bouclés, ne le vieillissent point ; sa moustache est restée légère et brune ; ses tempes, ses joues mates, gardent leurs fermes contours. Dans les vêtements négligés qu’il porte, à la campagne — complet de molleton marine, chemise de soie