Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/245

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ouverte : une ombre noire, rétrécie, rapetissée, disparue dans le grand châle et sous le grand voile des veuves… Elle approche… Dans cinq minutes, elle sera là… dans trois minutes… Oh !… la grille a grincé… Des pas dans le jardin… des voix…

C’est tante Belle qui entre d’abord :

— Venez, Marie… Il vous attend…

Elle, c’est elle !… si différente de l’image qu’il s’était faite !… Pas de châle, pas de crêpes noirs… La robe du dernier voyage, la toque de taffetas plissé… Mais elle relève sa longue voilette aux dessins brouillés, — et Robert voit le deuil sur son visage…

Elle est méconnaissable, vieillie de vingt ans, les joues cireuses tirées vers le menton, les yeux cernés de violet, deux rides verticales aux coins de la bouche. Elle ressemble à ces malades dont on dit : « Ils ont vu la mort de près… », qui restent figés de stupeur, comme en attente…

Elle s’est arrêtée, la bouche entr’ouverte, les mains tendues… Robert s’avance. Alors elle tombe sur sa poitrine, l’étreint farouchement, sans un mot, et il sent le frisson affreux de ce