Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/246

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pauvre corps, la joue humide et fiévreuse contre sa joue.

Parler ?… Il ne peut pas… Pleurer… Il ne peut pas… Une plainte sourde monte, une espèce de râle, plus déchirant que les sanglots, et l’adolescent s’émeut de compassion, de respect, d’horreur sacrée… Il voit, face à face, la douleur des douleurs, celle qu’on ne décrit pas, celle qu’on n’imagine pas, celle qui dépasse toutes les consolations, celle qui crie, éternellement, à travers les temps, à travers le monde, par les millions de voix de l’humanité…

Et voici qu’à soutenir le corps épuisé de la veuve, à baiser sa joue moite et ses cheveux gris, Robert tressaille de tendresse désespérée… Sa marraine, sa bonne fée, son cher idéal enfantin, il la tient donc, toute à lui, et c’est elle qui a besoin de lui, c’est elle qui réclame de lui l’affection consolante et protectrice !… Les « autres » — s’il en est — ne lui suffisent donc pas, puisqu’elle est venue souffrir et pleurer loin d’eux ? On ne pleure bien qu’auprès des êtres qu’on aime… Cette douleur qu’elle apporte, qu’elle étale, sans retenue et sans honte, aucune joie ne serait plus précieuse à partager.