Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/266

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» Le nom du rocher était devenu, par extension, le nom du domaine et du petit castel de mon ami. Et c’était fort bien dit, car toutes les pierres viraient, dans cette triste bicoque.

» Ses classes terminées, fini le service militaire, Gérard ne quitta plus la maison. Il y mena la studieuse existence d’un moine bénédictin, et la rude existence d’un propriétaire campagnard, chassant, chevauchant, lisant beaucoup, ne fréquentant jamais personne et jouant du violon, le soir, pour se désennuyer. Il m’avoua, un jour, que les sciences occultes l’eussent attiré, s’il avait eu plus de loisirs, plus de fortune et plus de génie. Sur le moment, je ne pris point garde à cette confidence… Gérard était un original, misanthrope et sans doute égoïste ; mais ce n’était pas un exalté, encore moins un détraqué. La vie simple et réglée assurait en apparence le bon équilibre de son esprit et de ses nerfs. Il aimait la solitude, mais sa solitude était laborieuse. D’ailleurs, il n’était pas tout à fait seul. Sa mère, excellente et bornée, vieillissait près de lui, amusée de pratiques dévotes, entourée de chiens valétudinaires, de chats moribonds et de serviteurs cacochymes.