Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/41

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savait-il pas choisir les œuvres qu’il proposait à l’admiration de Pauline. Il n’était pas un érudit, pas même un lettré, mais il avait une sensibilité exquise et un jugement très sûr, avec le goût des fines recherches, des nuances rares, de la beauté un peu secrète, voilée, inachevée. Les écrivains et les artistes qu’il préférait étaient plutôt des « auteurs difficiles ».

Il s’aperçut enfin qu’il parlait seul et pour lui seul pendant les soirées tête à tête. L’âme de Pauline ne lui renvoyait pas d’écho. Il sentait le poids de cet esprit concret et raisonneur, lié au sien, et qui sans cesse le retenait et le ramenait vers les médiocrités de la vie.

Il sentait aussi, avec un peu de honte, que l’accoutumance du bien-être et du rien-faire l’engourdissait. Réagir ? Il voulait réagir, mais il était un de ces êtres plus violents que vraiment forts, qui ont besoin de trouver hors d’eux-mêmes un point d’appui, une raison d’agir. Il ne pouvait se passer d’approbation ou de critique, et il ne travaillait pas sans dédier son effort et son œuvre à une créature aimée… Ce sentiment tout féminin, si fréquent