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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/92

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peut-être moins belle, mais toujours plus amoureuse… »

Assise sur le divan, madame Clarence regardait Georges, debout, à contre-jour, devant la fenêtre lumineuse. Elle devinait l’éclat des yeux baissés, le sourire orgueilleux de la bouche… L’homme fatigué, vieilli, lui apparaissait soudain transfiguré par le bonheur, et jeune, — vraiment jeune… « Mon Dieu ! pensait-elle, je n’aurais pas dû lui laisser lire cette lettre. J’aurais dû profiter de son inquiétude pour le préparer… Le coup, maintenant, sera plus imprévu, plus cruel… » Et, en même temps, elle souhaitait prolonger ces minutes — les dernières — où Béatrice Alberi vivait encore, puisque Georges la croyait vivante, où l’illusion du bonheur remplaçait le bonheur…

« … Que j’aurai de choses à te raconter !… Mais, crois-tu, vraiment, que je pourrai te raconter quelque chose ? Je serai, comme les autres fois, muette, tremblante, prête à pleurer de plaisir… Ah ! Georges ! mon Georges ! je suis toujours la même femme qui te disait : « Sois grand, sois glorieux !… » Mais je sens que la gloire n’est rien, au prix de l’amour… »