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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/94

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Sa Béatrice n’écrira plus jamais… Il touche avec délices ce papier qu’elle a touché ; il croit l’entendre, et la voir… Et là-bas, on ramasse les débris de ce qui fut Elle… » Cette évocation hideuse fit tressaillir madame Clarence… « Ah ! qu’il lise et relise en paix !… qu’il sache la vérité le plus tard possible !… » se dit-elle, en regardant son mari comme elle eût regardé un malade inconscient de son mal. Et elle se rappelait toutes les péripéties de ce long amour dont elle avait été la victime, dont elle avait si cruellement éprouvé la force et la fidélité. Cent fois, elle l’avait maudit, cet amour, qu’elle ne comprenait pas, qu’elle nommait « une servitude physique, un dévergondage de l’imagination… » Pourquoi lui semblait-il si beau, maintenant qu’il entrait dans l’ombre éternelle et qu’il devenait le Passé ? Il empruntait une majesté inconnue à la majesté de la mort. Il échappait aux jugements humains. Pauline se reprit à penser : « Ils se sont aimés jusqu’à la fin, sans lassitude… Comme ils ont dû être heureux !… » L’idée de ce bonheur, de cet injuste bonheur, la laissait sans colère… C’était bien fini !… Après la violente douleur, l’oubli viendrait, car les sentiments meurent