Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/102

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bleu, s’élança sur moi, saisit mon sac et mon parapluie… Des sons rauques raclaient son gosier. C’était Nunziata, la cuisinière, qui annonçait un fâcheux événement. La femme de chambre, Carulina, qui aurait dû nous attendre, nous installer et nous servir, était partie… Oh ! pas pour bien longtemps !… une heure au plus… Mais on pensait que les Français s’attarderaient à la gare et Carulina n’avait pas cru mal faire en courant jusqu’à la place Barbaia, chez la sorcière… La pauvre se mourait de crainte, depuis qu’elle avait renversé le saladier, car le saladier contient la salade, la salle est imprégnée d’huile et tout le monde &ait que l’huile renversée porte malheur.

Angelo et Salvatore qui commençaient à se fâcher excusèrent Carulina. En effet, la chose était grave !… L’huile renversée !… On ne plaisante pas avec les présages… Au même moment, Carulina parut, non moins échevelée que la cuisinière, et non moins abondante en gestes et en discours. La fattuchiara l’avait rassurée par je ne sais quelle opération cabalistique… Et nous eûmes enfin le loisir de dîner.

La salle à manger des Toma n’a pas de cheminée, mais elle a un poêle. Ce poêle est mis pour la décoration. On ne l’allume jamais, parce que ce serait avouer qu’il fait froid à Naples et