Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/167

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moustache de savant s’obstinait à retomber vers le menton bien nourri troué d’une fossette innocente.

Son collègue, M. Weiss, Allemand du Sud, plus vif et plus souple, enseignait l’histoire romaine aux étudiants de Munich, tandis que M. Hoffbauer était exclusivement un lecteur d’inscriptions, un déterreur de palais et de temples, qui avait fait campagne en Grèce et en Asie Mineure. Son érudition était immense, sa patience infinie, sa sensibilité presque nulle. M. Hoffbauer, bien différent de Guillaume Wallers, avait une éducation esthétique purement livresque. Ses yeux voyaient des chapiteaux, des frises, des métopes, des architraves, des statues, des fresques, des caractères gravés — et jamais M. Hoffbauer ne se fût trompé sur le style, l’origine, la date approximative, la signification et la destination de ces objets vénérables ! — mais leur beauté, M. Hoffbauer ne la voyait pas… Il la connaissait, il la concevait, intellectuellement ; il la démontrait comme un théorème ; il l’imposait comme un dogme ; il l’eût défendue contre les Philistins, à coups redoublés de sa lourde plume… Mais, pareil aux adorateurs d’Isis, il n’avait jamais vu la déesse. M. Hoffbauer était un grand cerveau aveugle. Indifférent au monde extérieur, il n’avait même