Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/194

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— Au diable ! répondait Salvatore qui connaissait les litanies de sainte Mendicité…

Donna Peppina, à coups de cafetière, le délivra.

— Vous n’avez pas honte, bâtards, enfants de prêtre ?…

Salvatore et Marie, engagés dans le dédale infect des ruelles, aperçurent enfin le campanile sombre et baroque, la petite coupole en céramique jaune du Carmine.

Devant eux la place du Marché s’étendit, désolée, défoncée, souillée d’immondices, avec des pavés de lave grise en tas, des parapluies verts ou rouges fichés dans le sol, abritant quelques marchands de fruits, de chiffons ou de ferraille. Les deux obélisques commémoratifs de la grande peste piquaient ce long espace presque vide où tient toute la tragique histoire de Naples, entre des maisons lépreuses, une église et une prison. Là, Conradin fut décapité. Là, Masaniello souleva la plèbe en émeute.

Elle était sinistre, cette place, et laide sous le ciel où roulaient des volutes de vapeurs obscures et chaudes comme des exhalaisons d’un volcan. On sentait derrière ses maisons affreuses d’autres maisons plus affreuses, et d’autres encore, à peine séparées par les puits obscurs des vicoli, tout un entassement de pierres fétides et d’huma-