Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/217

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Cependant M. Wallers et ses confrères eussent été bien étonnés en pénétrant par surprise dans la chambre de Marie. Sur la table ripolinée par Angelo, le feuillet du missel brillait comme un émail vert et rouge, et il y avait beaucoup de godets, de pinceaux, de palettes, de loupes, de vernis, de poudre d’or en flacons, étalés un peu partout. Mais le parchemin tendu sur un châssis ne portait que les faibles linéaments du décalque et quelques traces de couleur… Marie, la vaillante, la consciencieuse, ne faisait absolument rien.

Ses intentions étaient excellentes. Chaque jour, elle se disait : « Je suis honteuse de mon inertie. Je vais travailler, comme à Pont-sur-Deule… » Elle tirait le verrou de la porte, ôtait sa robe, mettait une blouse de toile et s’asseyait… Quand elle avait posé quelques touches, elle oubliait le pinceau dans l’eau trouble du verre ; le coude sur la table, le menton sur la main, elle rêvait, l’œil amusé par le vol immobile des hirondelles du plafond, par la chute effeuillée d’une rose, par la marche d’un rais lumineux sur le tapis. Une étoffe barrait horizontalement la fenêtre, mais les vitres supérieures découpaient le ciel d’un bleu épais où voguaient les galères argentées des nuages, et par l’autre fenêtre, large ouverte sous les rideaux, l’odeur