Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/336

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de cigarette qu’elle avait respirée dans les billets de son amant, la même odeur qui imprégnait les mains brunes, la courte moustache frisée, les cheveux aux boucles rudes.

Cette sensation physique bouleversa l’amoureuse plus que tous les discours de Marie.

Elle lut… Ces épîtres n’exprimaient que des espérances, mais la profusion des épithètes et des adverbes, les apostrophes, les points d’exclamation, leur donnaient une force emphatique, une sorte d’éclat et de mouvement passionné… Fatalité, désespoir, mort, — ces mots revenaient comme un leitmotiv qu’Isabelle avait trop entendu ; et elle reconnaissait des phrases familières à Angelo, et qu’elle croyait toutes neuves et spontanées quand il les murmurait sur ses lèvres…

Elle se rappela la scène de Ravello, le verre brisé dans un accès de fureur, le serment exigé, le regard sombre d’Angelo quand il parlait de Marie.

Il avait menti dès le premier soir ! Il avait menti tout le temps !

L’orgueil d’Isabelle saignait. Elle relut deux fois les lettres, regarda les dates, et sentit encore le parfum de tabac et d’ambre qui l’empoisonna d’une atroce jalousie sensuelle… Elle était certaine qu’Angelo n’avait pas été l’amant de