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Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/81

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fortable et triste. Rien ne révélait l’influence de la femme, rien ne reflétait son âme souple et légère et tendrement sensuelle dans ces salons bleu de nuit ou vert émeraude, dont les boiseries sombres et luisantes rappelaient les fumoirs des paquebots. Par des couloirs ripolinés, peints de nénuphars en frise, Isabelle s’en fut, avec sa cousine, dans la chambre des enfants. Elle était bien émue, et Marie pensa qu’elle affectait à tort, par gaminerie, une indifférence aux devoirs maternels dont certaines gens lui faisaient un crime.

En réalité, Isabelle aimait ses enfants, et elle les eût aimés beaucoup plus s’ils n’avaient pas été la cause innocente ou l’occasion de presque toutes les querelles conjugales. L’esprit autoritaire de Frédéric intervenait dans ces détails d’élevage qui, partout, relèvent du pouvoir féminin. Aussi, les enfants et les scènes de ménage étaient malheureusement associés dans la mémoire d’Isabelle, et l’absence des enfants évoquait, au contraire, pour elle des images de loisir et de paix. Cependant, l’instinct naturel, forcé et gêné par les circonstances, demeurait vivace et se réveillait parfois spontanément. Isabelle, en apercevant son fils, eut un élan sincère et joyeux :

— Mon gros Jacques !