Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/83

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— À cet âge, on oublie si vite !

Alors, Isabelle passa dans sa chambre et se mit à pleurer.

— Tu vois, disait-elle à Marie, ils n’ont pas besoin de moi, ni Frédéric, ni les enfants, et, si je n’étais pas revenue, leur vie aurait continué, tranquille et toujours pareille. Je ne les aime pas comme je voudrais les aimer, — mais eux, ils n’ont pas même le désir de m’aimer ! Je leur suis étrangère.

Marie la consola.

— Tu oublies que les enfants sont légers, égoïstes, variables. Ils aiment ceux qui sont là, tant qu’ils sont là… Mais, en grandissant, ils s’attachent… Fais-leur crédit de quelques années.

— Oh ! Marie, je vais être malheureuse. Tout m’oppresse ici, tout, cette maison, ces meubles, et le pays, et le climat, et les discours de Frédéric et les silences de ma belle-mère, et ces carillons si tristes que j’entends, la nuit, quand je ne dors pas, auprès de mon mari qui dort… J’arrive à peine et le froid m’entre dans l’âme. Je t’en prie, parle à Frédéric, dis-lui que je suis malade, que tu veux me soigner, me garder… Emmène-moi, là-bas, en Italie…

Elle s’obstinait, puérilement, dans ce désir de voyage qui démentait ses résolutions et ses promesses et Marie eut grand’peine à la calmer.