Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/84

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L’attitude de madame Van Coppenolle mère donna au déjeuner une froideur cérémonieuse. Frédéric affectait de ne pas voir les yeux rougis de sa femme et il était, avec elle, ni plus ni moins aimable qu’à l’ordinaire. Il parla du voyage de M. Wallers à Pompéi, et, à ce propos, il renouvela la querelle des anciens et des modernes. La prétendue beauté antique le laissait indifférent, lui, homme du vingtième siècle ; il regardait du côté de l’avenir, vers les créateurs de formes et de rythmes nouveaux, vers les édifices de fer et de cristal, de faïence et de brique aux couleurs gaies qui composeraient les cités futures. Le gris linceul vésuvien pouvait ensevelir Pompéi, Frédéric Van Coppenolle n’irait pas troubler dans son repos ce pauvre squelette de ville !

— Je ne donnerais pas un sou aux archéologues, mais je paierais largement les artisans et les artistes qui renouvelleraient les cadres usés de la vie.

Sa voix sonnait durement dans la salle à manger aux boiseries d’obscur palissandre, aux tentures d’un vert exaspéré, au lustre de cuivre étincelant, pareil à la couronne de Charlemagne, et il expliquait ses théories avec un ton d’autorité et de certitude qui les rendait insupportables comme un défi.