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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/18

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LA MAISON DU PÉCHÉ

couvents et des villes mortes où la vie semble figée dans le souvenir et l’attente.

Augustin de Chanteprie aimait la petite cité féodale sans commerce, sans industrie, et, toute proche de Paris, tombée à la torpeur de la province, mais qui retenait dans ses ruines l’âme héroïque et pieuse du passé. Ce paysage aux molles vallées, aux plaines nuancées d’azur, aux bois de châtaigniers et de chênes c’était bien la « douce France » des trouvères. Et la maison même, sauvée des embellissements ridicules et des sacrilèges restaurations, n’avait point changé depuis 1636, — depuis que Jean de Chanteprie, maître des requêtes, était venu s’y établir.

Les noms et les visages des messieurs de Chanteprie étaient familiers à l’enfant, conservés dans sa mémoire comme en un musée. C’étaient Jean de Chanteprie, le grand ancêtre, le premier ami de Port-Royal, le magistrat qui, pendant la Fronde, avait conduit, en robe de palais, avec MM. de Tillemont et de Bernières, la procession des religieuses jansénistes jusqu’à Saint-André-des-Arcs. C’étaient ses trois fils et ses trois filles, ses neveux, ses descendants : Thérèse-Angélique morte religieuse à Port-Royal ; Gaston, réfugié en Hollande près d’Antoine Arnauld et du Père Quesnel ; Agnès, la convulsionnaire, guérie d’une paralysie des jambes sur le tombeau du diacre Paris, — et tant d’autres ; Adhémar, le « renégat », l’ami des Encyclopédistes ; Jacques, député à la Constituante, et ces Chanteprie de Hollande réuinis à la branche française par le mariage de deux cousins, Jean et Thérèse-Angélique, dont Augustin était l’unique enfant.

Seul, maintenant, avec sa mère, il représentait cette