Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/83

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bien commode. On a tant d’ennuis avec les servantes ! Les meilleures s’abîment à Paris.

— Ne dites pas de mal de Paris ! dit l’abbé Le Tourneur, soupirant à ce nom magique.

— Paris a ses avantages… l’indépendance, les relations agréables…

— Le gros casuel…

— Le gros casuel… Oui… Mais le service est dur dans nos grandes paroisses… Et puis, le sentiment religieux se perd. Que de gens, dans les faubourgs, se marient et se font enterrer civilement, par économie !…

— Oui, dit M. Le Tourneur. Quelle époque !…

La servante annonça :

— Monsieur de Chanteprie.

Le capitaine s’élança, saisit Augustin par la manche et le présenta aux dames Loiselier. Puis, tout bas :

— Offre ton bras à la demoiselle.

On passait dans la salle à manger. L’abbé Chavançon commença aussitôt l’histoire de ses dernières vacances, pour « rompre la glace ». M. de Chanteprie, placé entre madame et mademoiselle Loiselier, jetait de timides coups d’œil sur ses voisines.

La mère lui plut médiocrement. Trop forte, trop fraîche, les joues pleines, les dents carrées les yeux couleur de vieil or, les cheveux frisés sur le front bas, elle avait un faux air d’ogresse. C’était un bel animal humain, bien nourri, harnaché d’étoffes chatoyantes, de pierres et de métaux. Et près d’elle sa fille semblait une ébauche de femme, que la mère égoïste avait créée avec un minimum de chair et de sang, et pas finie.