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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/19

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Il eut la curiosité de visiter le cimetière, dont la porte gothique attira son regard.

Des l’entrée, on apercevait les marbres pressés dans l’enclos, un carré de ciel, un pan de colline surplombante, les tuiles rouges et brunes des toits étagés. Le cloître fermait trois côtés seulement. La charpente de la voûte, incurvée et toute pareille à l’ossature du Léviathan marin, retombait sur des piliers de briques. Le soleil frappait les vitraux d’une petite chapelle adossée aux arcades et projetait sur les dalles une lumière bleue qui tremblait.

Forgerus examina les plaques commémoratives fixées au mur. La plus ancienne portait une longue épitaphe latine. Sous les dalles, foulés aux pieds des passants, reposaient in spem resurrectionis messire Jean de Chanteprie, maître des requêtes, dame Catherine Le Féron, son épouse, messire Jacques de Chanteprie, messire Gaston de Chanteprie, mort à Utrecht en 1709, et la « sœur Thérèse-Angélique de Chanteprie, morte à Port-Royal, le 14 de may 1661, exhumée le 4 avril 1711 ». Des inscriptions plus récentes rappelaient les noms de M. Pierre de Chanteprie, de dame Juliette Silvat, son épouse, et de Jean de Chanteprie, leur fils.

« Adhémar n’est pas enseveli dans le caveau de famille », pensa M. Forgerus.

Il sortit pour voir l’église, toute proche, consacrée à saint Jean. La messe venait de finir. Il n’y avait plus devant l’autel, qu’une femme prosternée et un sacristain en surplis trop court qui arrangeait des pots de fleurs blanches.

Dans la nef centrale, une lumière dorée tombait des hautes fenêtres aux vitres dépolies, mais les nefs latérales étaient baignées d’ombre, et les verrières fameuses de la Renaissance y scintillaient d’un éclat doux et chaud, plus vivant que l’éclat des pierreries.

Au fond, au chevet de l’église, l’arbre de Jessé, montant du flanc d’Abraham endormi, étendait ses branches chargées de patriarches et de rois ; et sur les côtés, les légendes de la Bible, les paraboles de l’Évangile, les Actes des saints s’inscrivaient en figures lumineuses serties par un linéament de plomb.

On voyait le bon Samaritain et la Madeleine, les prophètes dans le désert, le Christ au tombeau. Les personnages portaient des vêtements du XVIe siècle, et l’on reconnaissait dans les attitudes théâtrales, dans l’exagération des musculatures et la splendeur des draperies, l’influence des maîtres italiens. Des bourgeois chevauchaient, vêtus de velours et de fourrures. Des apôtres à