Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/223

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Depuis le départ de Jacquine, Mme Angélique avait pris en main la direction du ménage. Elle ne se contentait plus de donner aux pauvres le superflu de ce qu’elle possédait : elle retranchait presque tout le nécessaire pour accroître la « part de Dieu ». Mlle Desfossés, la nouvelle gouvernante, vieille personne excessivement laide, était devenue le ministre des charités secrètes que Jacquine n’eût point tolérées. Le semblant de bien-être, que la Chavoche entretenait à force d’industrie, disparaissait peu à peu. Le cheval et la voiture étaient vendus. M. de Chanteprie remplaçait au jardin l’homme de peine. Et comme Mlle Desfossés avait plus de piété que de vertus ménagères, la vaisselle s’ébréchait, les rideaux troués pendaient sur les vitres ternies ; les araignées filaient leur toile aux angles des plafonds ; l’extrême charité avait les mêmes effets que l’extrême avarice. Ce désordre du logis, l’indifférence de la maîtresse et l’incurie de la gouvernante, désolaient Cariste Courdimanche. Aux discrètes observations de son amie, Mme Angélique répondait qu’elle et son fils étaient des pauvres devant Dieu et ne devaient pas vivre plus délicatement que les pauvres.

Le bahut du grand salon disparut, puis les tapisseries de la salle à manger, des tableaux, une pendule ancienne. L’abbé Le Tourneur s’étonna.

« Vous vendez vos antiquités ? dit-il à Mme de Chanteprie. Je connais un marchant de Paris qui cherche partout des meubles Louis XVI. N’avez-vous pas toute une chambre de style très pur et parfaitement conservée, dans le pavillon ?