Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/236

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ouvertes de la Vierge blanche, ornements de son petit salon, achevèrent de rassurer Mlle Cariste. Elle éprouva la douceur de vivre dans une région tempérée, unie, à mi-côte de la sainteté, et elle se promit de ne point guinder son âme puérile jusqu’à ces sommets mystiques qu’habitait Mme de Chanteprie.

La convalescence d’Augustin, saluée comme un miracle, traînait et languissait pourtant sous la menace d’une rechute. Le jeune homme, abusé par une guérison factice, déclara qu’il se sentait fort bien et qu’il entendait reprendre, au plus tôt, son ancien régime de vie. Quel régime, M. Courdimanche le savait, lui qui, appelé près du malade, avait arraché le cilice sanglant serré sur sa chair. Le capitaine fit intervenir l’abbé Le Tourneur lui-même qui dispensa M. de Chanteprie de tous jeûnes et abstinences et lui imposa comme un devoir l’obéissance au médecin. La Chavoche devait y veiller, car dès les premiers jours de son nouveau règne, Jacquine avait déclaré qu’elle ne délogerait pas de chez son fieu.

« Le printemps me guérira tout à fait », dit Augustin.

Le printemps vint ; les poiriers fleurirent ; un brouillard vert courut sur le Bosquet, et M. de Chanteprie commença de descendre au jardin pendant les heures de soleil. Entre Jacquine et Mme Angélique, il marchait jusqu’au bout de la terrasse, et rien n’était plus lugubre que ces promenades où la mère, le fils, la servante épiaient réciproquement leurs pensées sur leurs visages et ne prononçaient pas un mot.

Augustin se fatiguait vite. Essoufflé, les jambes mollissantes, il remontait dans sa triste chambre. Jacquine roulait son fauteuil près de la fenêtre et s’asseyait en face de lui pour tricoter. Le silence faisait les heures plus lentes. Bientôt, M. de Chanteprie laissait tomber sur ses genoux le livre trop lourd à ses doigts. Il écartait le rideau de mousseline, contemplait le paysage de Hautfort-le-Vieux, le clocher, la porte gothique, les toits bruns, et le petit carré du cimetière qui retenait son regard. Quel conseil recevait-il, quel mystérieux appel lui venait des morts couchés dans le cloître ?… Au crépuscule, la chambre était toute grise. Augustin ne bougeait plus. La rigidité de l’extase descendait sur son visage noyé d’ombre. Effrayée de le voir si pâle, Jacquine lui touchait la main pour le réveiller. Alors un frisson le traversait ; ses pommettes devenaient rouges. Il se couchait, plus fiévreux chaque soir et plus faible.

« Ah ! mon fieu, lui dit un jour Jacquine, que regardez-vous donc là-bas ? Ôtez vos yeux de dessus ce cimetière. Ce n’est point