s’était repris !… Oui, la femme conçoit dans le péché ; la concupiscence d’Ève passe, avec son rang et son lait dans la chair de l’Adam futur. Plus que la fille où revit le père, la femme chérit l’enfant mâle ; elle l’aime d’un amour qui, par son ardeur même, trahit l’obscur attrait du sexe. C’est le fils qu’elle essaie de pétrir à l’image de son rêve ; c’est en lui qu’elle essaie de recommencer une vie plus forte et plus libre. Il est la vivante revanche de sa faiblesse et de son asservissement. Vingt ans, elle le couve, et, quand il s’arrache d’elle, il emporte la nostalgie de ses bras et de son sein… Fils de la femme, il retourne à la femme.
Cette pensée obsédait Forgerus lorsqu’il observait son élève, devenu le fils bien-aimé de son esprit. Ce n’était qu’un enfant, paisible et pur ; mais le maître voyait surgir, parfois, la figure charmante du jeune homme que si peu d’années allaient accomplir. Peu d’années, vraiment, trop peu… À peine fortifié par le chrême symbolique, il lui faudrait dompter les sens rugissants. Bientôt, troublé par l’ardeur des midis et la langueur des soirs, distrait sans cause et triste sans raison, il entrerait dans cette terrible saison de la jeunesse dont les premiers rayons affolent comme les soleils de mars. Bientôt l’impure Ennemie viendrait rôder autour de cette âme en fleur…
Passionné pour son œuvre, Forgerus souhaita tenir Augustin dans sa main, le former à sa guise. Il se donna tout entier à son pupille pour le posséder tout entier. Prêt à tous les dévouements, il s’irrita des moindres résistances.
Par son ordre, Augustin dut renoncer à la compagnie de Jacquine, aux travaux du jardin, aux chansons, aux cuisines magiques du laboratoire. Adieu les visites au petit salon de Mlle Cariste, les goûters sucrés, les historiettes pieuses ! M. Courdimanche fut admis, de loin en loin, aux récréations. Et désormais, sans réserve, le disciple appartint au maître. La mère elle-même parut s’effacer.