Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/32

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une fraîcheur de grotte sylvestre. Une ligne de jour les séparait, un long fil de clarté brillante. Les rideaux couleur de safran, suspendus à une couronne de bois sculpté, s’évasaient mollement au-dessus du lit, contre la boiserie gris de perle. Et rien n’était plus charmant que l’accord de ce gris si pâle et de ce jaune si doux.

Augustin tremblait. Son cœur battait lourdement… Qu’avait-il fait de mal ? Pourquoi cette fuite éperdue, ce trouble ?… Hélas ! quelque chose avait traversé sa vie, quelque chose d’extraordinaire et d’effrayant qu’il n’oublierait pas et dont il garderait l’obsession. Son âme avait frémi tout à coup, fascinée, attirée dans le frais sillon de chair palpitante… Et ce vertige de l’âme, cette fièvre du sang, c’était cela le Désir, le Péché, la Concupiscence, dont parlent les livres saints.

À genoux, devant le crucifix, Augustin pria, frappant sa poitrine, déplorant sa curiosité coupable. Et son émotion s’apaisa. Il baigna d’eau froide son front et ses tempes. Mais, malgré lui, parmi ces meubles aux nuances assoupies, aux courbes féminines, dans l’atmosphère de cette chambre faite pour la volupté, d’étranges pensées, d’étranges visions l’assaillirent. Il crut voir, entre la fenêtre et le lit, passer une figure incertaine, transparente comme une vapeur et couronnée de pavots, un fantôme !…

On lui avait conté cette histoire et comment, dans le pavillon, Adhémar de Chanteprie avait caché une danseuse, Rosalba-Rosalinde. La morte revenait. Avec ses atours poudreux et ses guirlandes flétries, elle revenait à la maison du péché, réveillée d’un sommeil de cent ans par l’odeur de la jeunesse.