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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/56

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Le grelot d’une bicyclette résonna dans la cour, et un homme parut, retenant la machine dont les nickels brillaient au soleil. Fanny s’écria :

« Vous, Barral !… D’où sortez-vous ! Je ne vous attendais plus. »

Le cycliste répondit :

« Chère amie, je suis à vos pieds… Mais, de grâce, faites-moi donner un verre de bière. Je suis fourbu. »

Fanny présenta les deux hommes :

« M. de Chanteprie, M. Georges Barral… Ah ! Georges, que vous êtes insupportable !…

— Vous me gronderez tout à l’heure, quand j’aurai moins soif. »

Augustin examinait le nouveau venu. Il était beau, d’une beauté d’athlète, sans le charme conventionnel qu’on appelle « distinction ». Les muscles de ses jambes tendaient le tricot noir des bas à côtes ; ses pieds, chaussés de cuir jaune, pesaient fortement à chaque pas. Sous le veston ouvert et la chemise lâche, on devinait l’ampleur du torse, le relief des pectoraux. Le cou hâlé, la bouche grande, les dents saines, la barbe brune taillée carrément, le nez aux fortes narines exprimaient une sorte de puissance animale et de sensualité joyeuse. Les cheveux, très épais, découvraient un front large, aux lignes nobles, un front énergique et intelligent, et il y avait de la malice sans méchanceté dans le regard des yeux gris limpides.

Après un bref salut, Augustin s’éloigna, emportant dans sa mémoire la double image de Barral et de Fanny Manolé, debout côte à côte. Pendant qu’il cheminait vers Rouvrenoir, Barral demandait :

« Quel est ce jeune homme ?

— C’est le fils de l’ancienne propriétaire, la dame mystérieuse dont ma tante vous a parlé.

— Vous le voyez souvent ?

— Non. Il est assez timide, et je crois que les femmes lui font peur. C’est par hasard qu’il est entré, aujourd’hui.

— Pauvre diable !

— Vous le plaignez ?

— S’il est venu, il reviendra… Je vous connais, Fanny, terrible enjôleuse !

— Hein ? Vous êtes fou, Barral !