Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/61

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êtes-vous si fâchée d’être appelée une « femme d’amour » ?

— Question ridicule !

— Pas tant que cela, réfléchissez.

— Une femme d’amour, c’est une fille.

— Mais non ! c’est simplement une femme qui aime l’amour, une femme qui est faite pour l’amour… Et, soit dit sans vous offenser, ma chère, vous représentez exactement ce type de femme, au physique et au moral. »

Fanny devint pourpre :

« Est-ce un compliment ou une impertinence, Barral ?

— Ni l’un ni l’autre, mon amie ; c’est une constatation… Et, dans mon esprit, c’est une louange… Vous êtes un être d’amour. Vous respirez l’amour, et vous l’inspirez. Ne vous étonnez donc pas qu’on cherche, autour de vous, l’objet de cet amour, réel ou imaginaire. Moi-même, qui suis votre plus fidèle ami, je me suis quelquefois demandé comment vous supportiez la solitude, anormale et cruelle, oui, cruelle, et j’ai pensé…

— Que j’aimais quelqu’un ?

— Oui. »

Elle pencha la tête, et il ne vit plus que ses doigts posés sur ses tempes et la masse de ses cheveux noirs.

« Vous ne voulez pas me répondre ?

— Que sais-je ?… »

Il eut un vif battement de cœur. Passionnément, il désira conquérir Fanny, dénouer ses cheveux, connaître le goût de ses lèvres, la douceur de sa chair. Et la chaleur de l’étreinte qu’il rêvait lui montait au cerveau. Il fut ivre.

Mais elle se leva brusquement :

« Assez de bavardages, le temps passe. Voulez-vous que nous fassions une promenade à bicyclette ? Je vais m’habiller. »

Déconcerté, il répondit :

« Oui, madame. »

Elle entra dans la maison. Barral jura :

« Maladroit que je suis ! Je l’ai blessée. Elle n’a pas su me comprendre. »

Il était venu avec la volonté de l’interroger, de risquer la suprême épreuve. Mais c’était difficile. Comment dire tout net : « Ma chère amie, je suis riche et vous êtes pauvre. Je voyage pour mon plaisir et vous devez gagner votre vie… C’est injuste, c’est révoltant. Et, comme je vous aime, à ma façon, comme je vous